Mike Oldfield. Toute une carrière dans un seul et même nom. Les fans comprendront. Mais pour ceux qui se sont arrêtés à "Five Miles Out", "Incantations" ou l’éternel standard aux 16 millions d'exemplaires vendus "Tubular Bells", il y a du chemin à rattraper ! Mike s’est d’abord fait une joie de migrer vers un autre style musical. Après avoir déclaré, au regret de ses fans, qu’il ne réaliserait plus aucune autre suite à "Tubular Bells" (malgré le réenregistrement pour le trentième anniversaire de l’album il y a six ans), il a fini par s’ancrer dans des compositions plus électroniques qu’acoustiques. Aujourd’hui, en 2008 – et qu’on se le dise - son retour sonnera philharmonique. "Music Of The Spheres" pourrait bien être, de la part de Mike Oldfield, une expérience musicale de plus à ajouter à sa longue et très qualitative discographie. Pas surprenant mais attirant immanquablement l’attention des plus mélomanes, ce nouvel album de celui qui fût l’un des pionniers de la New-Age dans les années soixante-dix, est bien parti pour séduire ceux qui souhaitaient, depuis longtemps, le voir flirter avec un orchestre classique Cela n’empêche pas Mike Oldfield de rester l’un des plus talentueux guitaristes Britannique du vingtième siècle.
Mike Oldfield n’en est pas à sa première expérience philharmonique. Déjà en 1975, il avait supervisé, aux côtés de David Belford, la version orchestrale de la masterpiece "Tubular Bells". Cela avait déjà donné naissance à un résultat stupéfiant, surtout lorsque l’on contemplait le travail dans sa globalité. On pouvait y contempler quarante cinq minutes d’un enregistrement de toute beauté. Un beau challenge pour l’époque. Depuis, avec l’évolution du numérique, cela est devenu presque banal. De plus, lorsque l’on souhaite enregistrer ce type de réalisation sonore, on se dirige souvent au même endroit ; les studios Anglais d’Abbey Road sont la niche du parfait compositeur qui recherche le maximum de sensations sonores. "Music Of The Spheres" est, du même coup, certainement le plus lumineux de tous les albums de Mike Oldfield. Lumineux dans les choix vocaux, dans les notes et les accords choisis, et lumineux dans son mixage. Nous n’avions pas vécu cet univers sonore, faisant appel à toute la magie de la musique World Irlandaise, depuis "The Voyager" paru en 1996. Cette fois, Mike s’est aussi entouré de talents certains. Tout d’abord la sublime chanteuse soprano Hayley Westenra qui nous avait enflammés avec sa reprise de Joni Mitchell sur son album "Odyssey" en 2005 et qui interprète ici, avec une profondeur inouïe et impeccablement menée, le morceau "On My Heart". On y croise également le jeune et talentueux pianiste classique Chinois Lang Lang. Ce dernier qui, déjà à l’âge de cinq ans, remportait le Premier Prix du Concours de Shenyang. De jeunes talents qui prouvent, une fois de plus, que Mike Oldfield est un artiste qui apprécie au plus haut les collaborations, ajouté à cela une réelle reconnaissance (souvenez vous de tous ces duos : Bonnie Tyler en 1987, Jon Anderson de Yes, Roger Chapman et bien sûr Maggie Reilly). Cette fois, le maître nous sert un très beau plat, étincelant et fort en sensations qui ne manquera pas de vous scotcher à votre canapé. "Music Of The Spheres" est le plus harmonieux de tous ses albums. Depuis 1975, le travail de ces mêmes harmoniques n’avait pas été renouvelé. C’est dire.
Penchons nous justement sur ce nouveau thème que notre multi-instrumentiste Britannique a souhaité aborder dans ce vingt cinquième album. "Music Of The Spheres" est présenté comme un concept à la fois philosophique et mathématique antique, selon lequel la musique régit les mouvements du soleil, de la lune et des planètes. En d’autres termes, il a voulu mettre en avant le mouvement des astres comme une forme de musique mathématique. Lorsque l’on débute cet album, on est vite persuadés d’avoir déjà entendu cela quelque part. La mélodie au piano, l’univers qui s’en dégage. Le fantôme de la célèbre introduction de la première partie de "Tubular Bells" flotte alors dans les airs lorsque démarre "Harbinger", premier morceau de l’album. « Je suis sûr qu’à la première écoute, tout le monde va se dire : merde alors, il a mis un carillon là-dedans, glousse-t-il. Mais tous les orchestres ont un carillon, donc il n’y a là rien de plus normal ! ». C’est donc dit : ce nouvel album n’est pas un "Tubular Bells IV" ! A premiers abords, il semble alors difficile de plonger dans les méandres de cet album qui regorge bien des sonorités, bien des phrases musicales et des mélodies transcendantes durant les quarante cinq minutes qui le composent. Pourtant, vous allez vite vous prendre au jeu, car, justement, depuis "Tubular Bells", rien n’avait vécu avec autant d’intensité dans la musique de Mike Oldfield. Une magie qui va, purement et simplement, au-delà des attentes et droit au coeur. « Il y a quelques années, je me demandais ce que j’allais faire, médite Oldfield. Je pensais que j’avais fait le tour de ce que je voulais faire. J’envisageais de prendre ma retraite. Puis, j’ai pensé à faire un long album instrumental. Je savais que certains fans assidus adoreraient ça. Mais l’idée d’en faire la promotion et la présentation à l’époque actuelle me semblait dépassée. »
Mike Oldfield a toujours su guider l’oreille de ses auditeurs, d’une façon ou d’une autre. "Music Of The Spheres" ne déroge pas à la règle. Son précèdent album, "Light & Shade" (2005) - qui s’amusait à s’auto-diviser en une partie lumineuse et une partie plus sombre – est aujourd’hui contré par "Music Of The Spheres". « Cette fois-ci, je me suis dit : plutôt que d’utiliser des guitares électriques et les merveilles électroniques des studios, faisons ça avec un vrai orchestre classique », explique-t-il. Pour cela, il s’allie au compositeur classique moderne populaire Gallois Karl Jenkins (souvenez-vous d’Adiemus) Alors, serait-ce la fin des grandes envolées de guitares ? Pas sûr. En passant sur "Animus", on retrouve le Mike Oldfield des beaux jours, choeurs en fond sonore à l’appui et guitare au premier plan. Une musique enchanteresse, qui rappelle quelque fois le travail de James Horner, de Jerry Goldsmith ou encore de Philip Glass. Sur la très délicate "Silhouette", Mike fait quelques prouesses de composition qui l’amène à fusionner de très jolis phrasés acoustiques. Au final de "Shabda", ce sont de merveilleuses voix qui s’élèvent ; un travail vocal que l’on avait déjà remarqué en 1999 sur "The Millenium Bell" et qu’il réitère. Avec "Aurora", l’un des titres les plus représentatif de "Music Of The Spheres", le compositeur fait filer les notes dans une tempête sonore, mi-Opéra, mi Contemporain, composé de cors Anglais, de flûtes ou encore d’oboies. Ici, l’ensemble symphonique résonne tel un orage matinal, et envoie avec force quelques phrasés géniaux, entrecoupé par quelques ambiances acoustiques dont seul Mike a su nous a habitués. « Par moments, confesse Mike, j’étais presque ému aux larmes par la beauté de la musique. » Même si le fantôme de "Tubular Bells" est bel et bien omniprésent, on est tout autant subjugué par la qualité angélique de "Prophecy". C’est un peu comme si la voix de Björk avait désertée sur "Vespertine" et que le tout soit mélangé au travail d’accords réalisé par James Newton Howard en 2001 pour le film d’animation Atlantide. En parallèle, il sait aussi nous faire voyager avec "Empyrean"aux vibrantes résonnances de cuivres et, avec talent, achève cet opus avec "Musica Universalis" où "Tubular Bells" renaît de ses cendres ; un moment qui signera aussi, peut-être, la fin de toute une carrière. S’effaçant et expirant son dernier souffle sur des faux-airs d’hymnes Anglais, "Music Of The Spheres" s’achève en arrachant ciel et terre et s’éteint dans une luminosité et un éclat de notes inattendu.
Au final, ce nouvel album est certainement l’un des plus cadeaux que Mike peut nous faire. Un cadeau ambitieux, à la hauteur d’un talent incontesté de la musique New-Age et contemporaine. Intemporel et audacieux, "Music Of The Spheres" est déjà un petit chef d’oeuvre à lui tout seul. Nous espérons, de tout coeur, que nous réentendrons encore de nouveaux morceaux tout aussi magiques. Mike est à l’aube d’une fin de carrière, mais sa musique demeure aujourd’hui éternelle. "Music Of The Spheres" est le précieux sceau apposé sur ses quarante années de présence sonore. C’est l’oeuvre d’un compositeur qui sait, avant toute chose, créer une musique belle et intense, quels que soient son genre et son instrumentation. Simplement le plus bel album de Mike Oldfield depuis 1973, le tout amené sur quarante cinq minutes époustouflantes. Grandiose.